6 000 manifestants venus de toute la France – 4 000 selon la préfecture – ont convergé hier vers la SAM, dans le Bassin de Decazeville, pour soutenir les 333 salariés devenus le symbole des enjeux de réindustrialisation, en France.
Les premiers sont arrivés à 5 h. Salariés de la SAM, ils se sont retrouvés une soixantaine pour préparer 4 000 sandwiches, le café, les viennoiseries. “Vous savez, pour ce qu’on dort en ce moment”, glisse Véronique, mère célibataire, deux enfants, 1 400 € par mois après plus de 30 ans de boîte… Sous le barnum d’accueil face au mur affichant le portrait de chacun des 333 sacrifiés de la liquidation judiciaire prononcée vendredi dernier, Magali dresse une pyramide avec quelques dizaines de petits lingots d’alu. “On en a coulé 6 000 pour ceux qui viendront”, précise Benoît.
“6 000 !”… Chiffre que revendique à présent au micro David Gistau, élu CSE de l’entreprise et secrétaire départemental de la CGT, sur l’estrade devant l’usine, face à la foule défiant la pluie diluvienne. Un autocollant “Je suis SAM” sur chaque anorak, une main accrochée au parapluie, l’autre aux drapeaux rouges de la CGT ponctués d’oranges CFDT et même du vert des agriculteurs de la FDSEA… Bus et délégations de toute l’Occitanie ont fait le déplacement, mais aussi de bien plus loin en France.
David Gistau (CGT) a rappelé les traditions de lutte du Bassin, depuis des décennies.
Ceux de la fonderie du Poitou sont là et bien sûr les GM & S de La Souterraine, dans la Creuse : “Il y a quatre ans, on était à leur place. Les promesses des constructeurs n’ont été tenues pour personne, 42 licenciés sont encore sans aucune solution”, rappelle Stéphane Ledormand, l’un d’entre eux. De fait, “ce qui se passe à la SAM parle à tout le monde. Nos collègues FerroPem de Savoie ont appris il y a 15 jours qu’on fermait leur site à La Léchère : 221 emplois”, pointe Julien Gomez, de l’usine FerroPem de Pierrefitte-Nestalas, dans les Hautes-Pyrénées.
Emploi, savoir-faire, relocalisation, réindustrialisation : les SAM cristallisent les enjeux de la prochaine présidentielle, rappelle alors tout manifestant comme les élus présents, la SAM réussissant soudain à unir toutes les nuances de gauche derrière sa cause.
Venus d’Occitanie et d’autres régions de France, environ 6000 manifestants sont venus soutenir les salariés de la SAM
Sur l’estrade, vibrante, parlant droit et juste, Ghislaine Gistau, représentante CGT du personnel, ouvre le tir contre Jean-Dominique Sénard, patron de Renault et le ministre de l’économie Bruno Le Maire. L’engagement de l’industriel à maintenir la charge jusqu’en mars 2022 et les 42M€ de CAà la clé ayant été actés par écrit… La liquidation sonne « trahison » et les belles déclarations de relocalisation comme du “pipeau” : témoin, donc, le sort de la SAM, seule fonderie d’aluminium à posséder encore son bureau d’études, en France, entreprise au fort potentiel de diversification et vertueuse, côté vert, avec “50 % du CA” venant des pièces fabriquées pour les voitures “électriques et hybrides”, rappelle-t-elle.
“Scandale”, “honte”, répètent les orateurs : près de 5milliards d’euros d’aides versés à Renault mais du chiffre d’affaires local qui va partir en Espagne, en Roumanie ? Tandis que Carlos Ghosn vit tranquille au Liban! ? L’État, premier actionnaire, doit “tordre le bras de Renault” pour que ses engagements soient tenus, tonne en substance le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, venu en personne, annonçant “J’ai eu le Premier ministre et le président de la République ce week-end. Ils n’étaient pas au courant que Renault s’était engagé jusqu’en mars 2022 ! Comme quoi il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.”
Président du Conseil économique, social et environnemental régional, au premier rang des manifestants, Jean-Louis Chauzy rappelle, lui, que, côté repreneur, il existe toujours “une ou deux possibilités”. Et puis qu’à deux pas d’Airbus… “L’aéronautique a aussi besoin d’un fondeur d’aluminium.” Et de ce côté-là, “la visite de Carole Delga, lundi, a redonné de l’espoir”, confie un SAM, luttant au-delà pour la survie du Bassin passé “de 38 000habitants, il y a 35ans, à 18500 après les 3 000 emplois perdus en 1987”, rappelle le maire de Decazeville François Marty… “Jamais nous ne baisserons la tête […] jamais nous ne perdrons notre solidarité, notre dignité”, promet David Gistau. “Ce n’est que le début”, lâche convaincu un manifestant, en repartant.